Réflexion empirique 4 (le message des Hommes reliés)

Réflexion empirique 4 (le message des Hommes reliés)

Compte tenu des crises qui perdurent, des incertitudes croissantes, la question « d’où va le monde ? » nous interpelle toujours plus. Il est intéressant de connaitre les réponses à cette question des peuples dits primitifs. D’abord, qui sont ces peuples ?

Voici une liste loin d’être exhaustive, ce n’est pas mon but, de ces peuples qui pour certains ont quasi disparu, beaucoup ne sont plus représentés que par quelques centaines d’individus, et quelques-uns, rares, sont encore représentés par des milliers d’individus :

Les Maonans (Chine), les Mosos (sud ouest de la Chine), les Tibétains (Tibet), les Tamangs (Népal), les Bhotias (Bhoutan), les ethnies minoritaires en Inde, les Nenets, les Selkoups, les Yacoutes, Les Komis, les Ossètes, les tatars (Sibérie), les Tsaatans, les Kirghizes, les Tuvans (Mongolie), les Inuits (Alaska), les Mentawaïs (île de Siberut proche de Sumatra), les Ibalois (Philippines), les Papous (Nouvelle Guinée), les Aborigènes (Australie), les Asmats (Indonésie), les Touaregs (désert d’Afrique du Nord), les pygmées (forêt équatoriale africaine), les Dogons (Mali), les Bushmens (Afrique Australe), les Dinkas (Soudan), les Hopis, les Navajos, les Sioux, les Cherokees, les Apaches, les Lakotas (Amérique du nord), les Enawene (Brésil), Les Aymaras (Bolivie, Pérou, Chilie), les Quechuans (Pérou, équateur, Bolivie), les Ngobe Bugle (Panama), les Kogis, les Shuars (Colombie), les Zo’é (forêt d’Amazonie). Et bien d’autres…

Quand j’ai établi cette liste, je me suis rendu compte que je connaissais surtout ceux qui ont été anéantis, (les Indiens d’Amérique du nord et des tribus africaines). Je ne dois pas être le seul à n’avoir eu comme culture sur le sujet que les westerns et les bandes dessinés de mon enfance. Aujourd’hui encore, il existe plus d’un millier de ces peuples, en grande majorité sur le déclin, dû à la pression exercée par le monde moderne. Un roman, mêlant des faits réels et de fiction, illustre parfaitement ce qu’on peut entendre par déclin sous la pression du monde moderne. Il s’agit du roman de Jean Bertolino, « Chaman »1. Un autre livre, lui, issu d’expériences concrètes, est celui écrit sous la direction d’Eric Julien et Muriel Fifils, « Les Indiens Kogis »2. Jean Marie Pelt dans la préface de ce livre nous dit : «Les Kogis vivent en harmonie profonde avec la nature dans laquelle ils sont totalement immergés. Leur culture se nourrit d’une haute spiritualité. Pour eux, écologie et spiritualité sont une seule et même chose. Mais surtout, ils témoignent, à nos yeux, de valeurs que nous avons complètement perdues : la sagesse, la recherche de l’équilibre et des consensus, le soucis de relations apaisées. Là où nous nous agitons frénétiquement, drossés par la religion du progrès, les Kogis « pensent » le monde, se parlent, sont à l’écoute de leurs sages, les Mamus, conduisent avec leurs enfants un processus éducatif dont nous n’avons plus la moindre idée. Nous emmagasinons des savoirs; ils apprennent à connaître les choses de la vie… Il faut sauver les indiens Kogis et engager d’urgence un dialogue avec cette mémoire du monde, si nous voulons nous sauver nous-mêmes. Tel est le message qui nous est livré par Eric Julien dans cet ouvrage remarquablement écrit. »

Ce qui m’interpelle aussi particulièrement concernant ce livre et ce qu’il dévoile des Kogis, c’est l’implication invisible mais bien réelle de ces derniers pour nous aider à devenir plus conscients des conséquences de notre mode de vie, leur lutte pour contrebalancer les effets négatifs de ce mode de vie, enfin l’alternative qu’ils représentent comme exemples d’hommes et de femmes reliés et en harmonie avec la nature et le sacré, source d’inspiration d’autres façons de vivre. Il y a eu aussi en 2009 un film, 3Avatar, le premier de l’histoire en trois dimensions pour le grand public. Si ce film a battu les records d’entrées ce n’était pas uniquement pour ses trois dimensions. Je retiens qu’il a généré, particulièrement chez les plus jeunes spectateurs, la nostalgie d’un monde où la planète et les êtres vivants sont tous solidaires et reliés. Il a suscité de la nostalgie et non de l’espoir, car ces jeunes n’imaginent pas qu’ici on puisse reproduire de telles relations. Comme moi, la plupart des personnes qui ont vu ce film sont ignorants du mode de vie des peuples dits primitifs, ou n’en ont qu’une approche superficielle. Ils n’imaginent pas que peut-être, pour certains hommes, ce type de relations est encore possible. Ou intuitivement, ils savent que cela disparaît et se sentent impuissants à agir. Comme l’illustre bien ce film de science fiction, l’avidité des humains à extraire un minerai de la planète Pandora habitée par les Navis (le peuple racine local) n’a pas de limite, quitte à tout détruire. Même si la fin du film est un « happy end », le spectateur n’est pas dupe que dans notre monde réel, le scénario se reproduit sans happy end. La nature, la beauté des écosystèmes et les peuples racines y sont sacrifiés. D’où le profond malaise à la sortie du cinéma.

Quand on parle de « primitif », il y a souvent un côté péjoratif, suggérant une infériorité. Ce n’est pas ma façon de voir. Primitif est employé ici en association avec le mot premier. Les peuples primitifs sont ceux qui ont su garder le lien avec les temps premiers, le temps des origines. Tous seraient alors dépositaires de ce qu’on peut appeler la Tradition, au singulier. La Tradition est à considérer dans son sens étymologique, « tradere », transmettre : ce qui par la mémoire des hommes a été transmis de génération en génération. Dans ce sens et pour reprendre ce qu’écrit Eric julien4 dans la revue Alliance n° 25, on peut aussi appeler ces peuples, les « peuples racines » ou encore « les peuples des hommes reliés ».

L’arrogance du monde moderne et de nos religions balaye le plus souvent dans le répertoire « croyances de pauvres sauvages » les histoires et textes de ces peuples, notamment quand ils abordent des thèmes comme la cosmogénèse, l’anthropogenèse, voire des prédictions sur le futur. Pourtant ce monde moderne a la mémoire bien courte concernant sa propre histoire. Son histoire s’arrête il y a un peu plus de cinq milles ans et avant, on rentre dans le domaine de la préhistoire où nous n’avons plus que quelques os, silex et peintures rupestres comme repères. C’est la version officielle de notre monde « high tech », mais est-ce vraiment celle de tous les peuples et de l’humanité en générale ?

L’histoire ne pourrait-elle pas commencer avec l’existence de civilisations et de peuples il y a plusieurs millions d’années comme le suggèrent les mythes oraux et parfois écrits de certains peuples racines ? Pourquoi pas ?

Et les hommes des cavernes ne seraient-ils pas les formes dégénérées restantes suite à la chute de ces civilisations plutôt que nos uniques ancêtres ?

Nous, occidentaux, peut-on encore donner des leçons sur l’origine de la vie, de l’humanité, de notre histoire, quand nos propres découvertes remettent en cause nos visions officielles ? En quoi avons-nous plus la vérité que les peuples racines ?

La théorie darwinienne, fondée sur le hasard et la sélection naturelle pour son modèle d’échelle évolutive des espèces, est complètement remise en cause. Les chaînons manquants se multiplient au fur et à mesure que les disciplines scientifiques arrivent à dialoguer entre elles. Avec la chute de cette théorie, nos ancêtres des cavernes proches des formes simiesques deviennent de moins en moins crédibles. Et c’est aussi toute une vision particulière de l’histoire et de la préhistoire qui s’écroule. Concernant l’origine de la vie, plus nos savants explorent l’infiniment grand et l’infiniment petit, plus ils se rapprochent du temps des origines, plus ils butent sur un mur et plus grandit la tour de leur ignorance. (Les découvertes révèlent plus de questions que de réponses). Quand de rares scientifiques osent rapprocher les résultats de leurs travaux avec des textes anciens, ils le font souvent dans l’anonymat pour ne pas perdre leur crédibilité et leurs bourses. Et leurs découvertes restent toujours très discrètes car il ne faut ne pas faire d’ombre à la pensée établie !…

L’exemple de James Lovelock est assez significatif du dogmatisme occidental qui a mis plus de trente ans à reconnaître son travail qui supposait la terre comme un grand être vivant et intelligent, comme les peuples racines, eux, l’ont toujours conçus. Quant à nos religions, elles ont de plus en plus de mal à jongler avec les scientifiques, notamment ceux qui, suite à leur recherche, se posent des questions sur les mystères qu’ils constatent et deviennent plus humbles quant à leur savoir, sans pour cela devenir croyants. Finalement, l’opposition entre un dieu créationniste et la lente évolution darwinienne arrangeait tout le monde. Mais tout vole en éclats. Pourquoi un tel autisme ? Ne serait-il pas temps de reconsidérer les connaissances et les modes de vie des « peuples racines » en partant de leurs critères et leur vision des choses ?

Le message des hommes reliés

Pour revenir à la question « d’où va le monde ? », je me suis intéressé aux connaissances qu’on retrouve chez plusieurs de ces peuples et qui nous interpellent particulièrement à l’aune des enjeux du monde actuel. J’ai écarté les « traductions » qui résonnent bien, trop bien, avec la morale judéo-chrétienne et toutes approches à l’évidence partisanes. Je n’ai rien contre cette morale et ces approches, mais par exemple, il est évident que les premiers traducteurs jésuites n’ont pas brillé par leur impartialité dans l’interprétation des textes et des messages oraux qu’ils avaient à traduire. Il est évident aussi que les savoirs de ces peuples, plus ils font références à des temps éloignés, plus il y a des risques de déformations et d’erreurs. Aussi, je n’apporte pas trop de crédits à toutes les dates trop précises concernant le passé comme l’avenir. Par contre, si on retrouve des témoignages d’évènements ou de faits particuliers dans plusieurs peuples qui pourtant n’étaient pas en relation et ne vivaient pas au même moment, ces évènements et faits m’intéressent, même s’ils ne sont pas indiqués aux mêmes dates selon les textes de références.

Dans l’étude des textes et témoignages oraux de ces peuples, j’ai retenu cinq aspects importants en rapport avec le sujet d’où va le monde :

Point 1 : L’existence d’êtres plus avancés que les hommes ayant pour vocation de les accompagner dans leur évolution et autonomie, au moins dans les premiers temps de l’humanité.

Point 2 : Le lien quasi « charnel » que ces peuples ont gardé avec la terre, Gaïa, même dans les périodes troubles de leur histoire.

Point 3 : L’existence de civilisations vieilles de plus de centaines de milliers d’années, civilisations qui pour certaines auraient eu un niveau technologique équivalent au nôtre, voire supérieur dans de nombreux domaines.

Point 4 : Le conflit d’une ou plusieurs de ces civilisations qui se seraient coupées des êtres plus avancés et auraient eu un comportement égoïste envers la terre et d’autres hommes. Cela se serait soldé par une disparition relativement subite de cette ou ces civilisations.

Point 5 : L’hypothèse de plusieurs humanités.

Tous les peuples racines ont en commun le point 1 (l’existence d’êtres plus avancés que les hommes). La vision positiviste et moderne les a tous mis dans le même sac de gentils ou méchants sauvages baignant dans une magie, source de confusion. Soit. Mais qui aujourd’hui baigne dans la confusion du point de vue spirituel ?

Ce qui semble obscur chez les peuples racines, c’est la quantité de noms donnés à ces entités spirituelles et qu’il y a des Dieux pour tout et partout. On doit comprendre que ce qui est invisible à nos sens communs est considéré chez ces peuples comme spirituel et divin et que ce qui est visible est avant tout le support de cet invisible, donc non séparé. Il est assez facile d’extraire les grandes familles de tous leurs dieux : il y a ceux qui s’occupent du bon déroulement de la vie et de ce qu’on pourrait nommer un plan d’évolution, ceux qui nous instruisent ou plutôt qui nous ont instruits mais ne le font plus, ceux qui ont un rôle de gardiens et enfin ceux qui chercheraient à nous rendre plus sages quand nous daignons nous tourner vers eux. Ce partage des dieux en familles de dieux peut faire sourire. C’est celui que je constate en comparant les divers témoignages des peuples racines. L’intérêt de cette classification est de faire apparaître une complexité plutôt qu’une simple liste où tout se vaut et est à la même échelle.

Prière des indiens navajos :
« O Grand Esprit, dont j’entends la voix dans les vents et dont le souffle donne vie à toutes choses, écoute-moi. Je viens vers toi comme l’un de tes nombreux enfants ; je suis faible … je suis petit … j’ai besoin de ta sagesse et de ta force. Laisse-moi marcher dans la beauté et fais que mes yeux aperçoivent toujours les rouges et pourpres couchers de soleil. Fais que mes mains respectent les choses que tu as créées, et rends mes oreilles fines pour qu’elles puissent entendre ta voix. »

Tous ces peuples ont aussi en commun le point 2 (lien charnel avec la Terre). (Lien qu’ils gardent tant qu’ils maintiennent une certaine distance avec notre façon de vivre car alors, à l’exemple des aborigènes, des indiens d’Amérique ou des Inuits, l’alcool, les maladies et la vie assistée, les déciment rapidement). De nombreux ethnologues et anthropologues ont réalisé des documentaires, films et livres montrant la grande richesse et la véracité de leurs relations avec la Terre. Internet regorge de témoignages. Ce n’est pas un hasard si les multinationales pharmaceutiques explorent les forêts équatoriennes à la recherche de ces peuples pour connaître et breveter de nouveaux produits aux vertus médicales…

C’est le mode de vie occidental qui est déraciné d’avec la terre. Et quand parmi les représentants de ce mode de vie, certains tentent de recréer les liens perdus, rapidement, ils font l’expérience de leur cécité et doivent faire appel aux « primitifs » qui eux ont su garder « l’oreille » avec la nature, les animaux. La Terre nous parlerait à travers de nombreux intercesseurs… Et là encore les témoignages des peuples racines convergent sur ce point : La terre est malade. C’est une chance que nous ayons encore ces peuples témoins d’un autre rapport au vivant. Ne la gaspillons pas. Donnons-leur la place qu’ils méritent, osons apprendre d’eux et faisons-le avec discernement. Il ne s’agit pas de se transformer en aborigène ou en indiens Kogis mais d’oser remettre en cause certaines de nos habitudes et s’inspirer d’eux… Du point de vue pédagogique, si ces peuples étaient mieux reconnus, ils pourraient transmettre aux enfants du monde entier un alphabet invisible source de renouveau et comme le dit Eric Julien5« des valeurs morales comme la solidarité, le partage, le don, le respect, l’écoute, l’humilité, l’engagement ». Et avec, pourraient renaître d’autres rapports à soi-même, aux autres et à la terre.

Message du mamu (sage chez les Kogis), Marco Barro :
6«Tout est écrit dans la nature, et notamment la façon dont il convient de canaliser l’énergie entre la vie et la mort, pour éviter le chaos. C’est dans la nature que les lois et les règles qui régissent notre société prennent leurs racines. C’est là que nous savons comment maintenir le monde en harmonie, comment penser et agir ensemble, afin d’éviter les maladies, les catastrophes naturelles, les grèves et les disputes familiales, car tout est lié. Les règles et les lois occidentales sont faites par les hommes au profit de la société humaine. La loi kogi est cosmique, elle permet de maintenir l’équilibre du monde au service de la vie. Il y a une seule loi de la nature, qui est la même pour tous. Nous les Kogis, on essaye de garder l’équilibre chez nous dans la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie, mais vous, que faites-vous de votre responsabilité ? Vous n’avez plus d’anciens pour vous transmettre la mémoire et sans mémoire on ne peut rien faire. Pourquoi ne pensez vous plus le monde ? La pensée, qu’elle soit kogi ou non, c’est la même pensée, la même conscience. La vraie question, c’est de savoir comment se servir, comment utiliser cette pensée. Si demain on utilisait un peu mieux notre conscience, notre pensée, on pourrait commencer à se parler, à échanger entre sociétés qui se respectent. Aujourd’hui, la nature est malade. Il y a beaucoup de pollutions. Seuls, nous ne pouvons pas protéger la terre, ensemble nous pouvons faire quelque chose. Il n’est plus temps de parler mais d’agir…»

Concernant les points 3 (l’existence de civilisations évoluées et vieilles de plusieurs centaines de milliers d’années), 4 (la chute subite d’une ou plusieurs civilisations anciennes suite à ses excés et inconséquences) et 5 (l’hypothèse de plusieurs humanités), ils ne concernent que certains peuples racines. Je ne peux pas avancer ici que tous ces peuples ont en commun ces points. Par contre, on peut remarquer que les peuples concernés sont dans des zones géographiques précises : les Amériques, l’Egypte, l’Inde et l’Hymalaya puis plus tard, suite à des migrations, les peuples indo-européens. Ces points 3,4 et 5 sont les plus sujets à polémiques, car ils remettent en cause non seulement le mode de vie occidental, mais aussi ses croyances et les religions qui cohabitent avec. Je ne les ai pas retenus pour leur côté polémique, mais plutôt parce qu’ils suggèrent que la crise que nous vivons n’est pas nouvelle dans l’histoire.

Concernant le point 3, l’existence de civilisations vieilles de plus de centaines de milliers d’années et au niveau technologique équivalent voire supérieur au nôtre, on constate des analogies entre des mythes oraux issus de populations américaines et des textes ou gravures d’Inde, d’Egypte et de Grèce. On y apprend par exemple, l’existence d’engins volants, l’utilisation de l’énergie de l’atome sous forme de fusion et non de fission. Je considère ces exemples comme des anecdotes, mais elles nous renvoient à l’idée que même la super technologie pourrait ne pas être à l’abri d’un déclin, voire de l’oubli…

Les hopis évoquent dans leur histoire de l’humanité des « boucliers volants » se déplaçant dans un champ magnétique et des batailles avec des armes aux effets semblables aux bombes nucléaires. Dans le livre indien du« Mahabharata » est décrit un vimana, char aérien pourvu de flancs de fer et vêtu d’ailes. Ce livre relate aussi des guerres effroyables où de grosses boules de feu pouvaient détruire une cité entière. Les Dogons en Afrique ont des connaissances en astronomie qui dépassent largement leurs capacités d’observation. Cette connaissance disent-ils, leur aurait été apportée par les Nommos, pères du genre humain, venus à bord d’une arche volante. Après le premier test nucléaire d’Alamogordo, on demanda à R. Oppenheimer, père de la bombe H, si c’était la première bombe atomique qui venait d’exploser et il répondit : « dans l’histoire moderne, oui ».

Concernant le point 4, le conflit d’une ou plusieurs civilisations très anciennes qui se seraient coupées des êtres plus avancés et auraient eu un comportement égoïste envers la terre et d’autres hommes. Cela nous rappelle encore plus la description du monde actuel. Il est précisé que ce type de comportement ce serait soldé par une disparition relativement subite de cette ou ces civilisations. Et pour les survivants, la plupart seraient tombés à un niveau culturel très bas, c’est à dire sans la mémoire de leurs origines et de leurs racines. Comme il y a bien longtemps, l’humanité aurait-elle aujourd’hui une épée de Damoclès sur la tête ?

Au cours du XX° siècle, l’humanité a fait un bond en avant fantastique dans son niveau de responsabilité envers la terre et le vivant en général vu ses possibilités de nuisances comme ses possibilités d’apports bienfaisants. Sa conscience a t-elle suivi ?

Platon dans le Timée et Critias décrit une civilisation orgueilleuse qui en une nuit et un jour sombra avec ses terres au fond de l’océan. Au Tibet, le livre du Kyu-Te, fait référence à un pays et ses habitants qui en une nuit et deux jours furent submergés. Les hopis décrivent « un pays de l’est » où les hommes voulurent posséder les secrets des Dieux pour eux-mêmes et pour asservir les autres hommes. Les Kachinas (les grands initiés) défendirent les hommes bons (ceux qui suivaient la loi naturelle) et détruisirent ceux du pays de l’est.

Pour le point 5 (l’hypothèse de plusieurs humanités), l’humanité passerait par sept phases principales. Nous serions actuellement à la fin de la cinquième phase, proche de la sixième phase. Ceci serait en quelque sorte le plan d’évolution propre à l’humanité et la vague de vie qui l’accompagne. Les sept phases d’humanité seraient les habits que prennent les hommes à des moments de l’histoire, des moyens et non des finalités.

Comment se fait le changement d’habits ?

Il est intéressant de constater l’analogie suivante : la planète est passée par cinq grandes phases glaciaires et l’humanité serait, elle aussi, à sa cinquième phase, proche de la sixième. Chaque passage d’une phase d’humanité à une autre correspondrait à un bouleversement géologique majeur sur la terre. Ce passage de la cinquième phase à la sixième phase humaine est-il pour bientôt ?

Je ne le souhaite pas car l’humanité est loin d’être prête à un bouleversement géologique majeur et la vie des cavernes ne m’inspire pas particulièrement… Est ce qu’il pourrait y avoir cohabitation entre une humanité à la cinquième phase et une autre à la sixième ? Certainement. Et pour lever toute ambiguïté à propos des races, de mon point de vue, appartenir à cette sixième phase ne serait pas gage d’être plus sage ou meilleur qu’appartenir à la cinquième, mais simplement d’avoir des moyens différents.

Dans les annales du royaume du Laos, le démiurge, khun Borom, partage le monde entre ses sept fils. Dans le mythe originel des indiens navajos comme chez les aztèques, le monde actuel représente la cinquième étape de l‘humanité. Hésiode en Grèce parle d’une succession de cinq humanités. Dans le zohar, l’humanité se décline en sept familles. Au Tibet, avec les livres du Kiu-Te, l’humanité doit passer par sept phases et nous serions vers la fin de la cinquième phase.

Tout ceci est en total déphasage avec les croyances du moment sur le sujet et qu’Edgar Morin reprend dans son livre avec Boris Cyrulnik « Dialogue sur la nature humaine » : 7« une première naissance commence au début de l’hominisation (l’homme n’a qu’un cerveau de 600 cm3, à peine plus grand que celui d’un chimpanzé) avec la bipédisation, la vie dans la savane, la course, les abris. Il y a une autre naissance avec la domestication du feu et peut –être l’apparition du langage, si celle-ci précède effectivement l’apparition de notre espèce. Une troisième naissance a incontestablement lieu avec l’homo sapiens (cela correspond aux sociétés archaïques) puisque l’homme développe considérablement ses techniques, ses capacités de représentation artistique, son imaginaire, ses croyances et ses mythologies… Suit enfin une autre naissance, celle des sociétés historiques, qui commence à apparaître, il y a sept, huit ou dix milles ans et qui se développe en détruisant les sociétés archaïques. »

Les peuples racines et certains textes anciens repoussent bien plus loin l’existence de sociétés historiques et développées comme c’est déjà mentionné dans le point 3 (l’existence de civilisations vieilles de plus de centaines de milliers d’années et au niveau technologique équivalent voire supérieur au nôtre). D’autres part et comme suggéré au point 1, ces peuples racines sont unanimes pour avancer que la culture, au départ, nous aurait été donnée par des êtres plus avancées que nous.

Que faire alors des trois premières naissances de l’humanité citées par Edgar Morin ?

Les hommes de ces trois premières naissances pourraient être plutôt des « branches mortes », des « rameaux » de civilisations disparues, rameaux qui ont su parfois garder jusqu’à aujourd’hui la mémoire de certains aspects des très anciennes civilisations. Et alors pourquoi ne trouve t-on rien sur ces très anciennes civilisations hormis les témoignages des peuples racines et certains textes anciens qu’on considère comme des légendes ?

Peut-être que dans les fonds et archives de nos musées, il existe déjà de nombreuses preuves mais que ces preuves ne sont pas vues comme telles. Peut-être que nous ne cherchons pas dans ce sens, donc nous ne risquons pas de les trouver. L’Egypte, avant le XVIII° siècle, était déjà déclarée par une minorité comme une racine essentielle de notre histoire, un sommet de civilisation. Mais il a fallu les expéditions de Bonaparte pour que l’égyptologie émerge réellement et que les grandes découvertes commencent. Le plan d’évolution issu des croyances des peuples racines et de certains textes anciens n’est peut-être qu’une fable. De mon côté, je classe cette fable comme hypothèse envisageable. Car la considérer ainsi, c’est s’ouvrir la possibilité de franchir la grande épreuve du moment. Cette épreuve n’est pas le fait d’arrêter les rejets de gaz carbonique, ni de devenir un parfait écologiste. Cette épreuve est celle de reconnaître que tous les humains au-delà des couleurs de peaux, des classes sociales et des croyances ont une racine commune et partagent une même destinée. Ce n’est pas seulement la conscience « baba cool » que nous sommes tous frères, mais la conscience que tout ce qui m’est étranger et que je ne comprends pas fait en réalité aussi partie de moi. Chercher à faire avec cet « étranger » des liens et des ponts serait le sens premier de la vie, particulièrement aujourd’hui. Il est encore temps de se souvenir, de réapprendre et de se rapprocher des peuples racines. Au-delà du futur qui nous attend, je suis convaincu que ceux qui s’engageront dans cette voie trouveront des réponses aux questions et épreuves qu’ils auront à résoudre. Les graves problèmes du moment ne sont pas le fait de ces peuples mais de nous tous, « les petits frères » comme nous appellent les Kogis. Les « grands frères » n’ont pas à passer les épreuves et trouver les réponses pour nous, mais ils peuvent et savent comment nous aider, soyons humbles.

1 Jean Bertolino, Chaman, Presse de la Cité, 2002.

2 Eric Julien, Muriel Fifils, Les Indiens Kogis, Acte Sud, 2009.

3 James Cameron, son film « Avatar », 2009.

4 Eric Julien, Le message des Kogis, revue Alliance n°25.

5 Eric Julien, Muriel Fifils, Les Indiens kogis, Actes Sud, 2007.

6 Eric Julien, Muriel Fifils, Les Indiens kogis, op. cit., p.108.

7 Edgar Morin et Boris Cyrulnik, Dialogue sur la nature humaine, ed. de L’Aube, 2010.

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