En France, depuis des mois, un sujet hante quotidiennement les conversations : la crise et ses métastases. Il y a un autre sujet, plus discret mais tout aussi présent, c’est celui du climat. Depuis début juin, les choses ont l’air de rentrer dans l’ordre et si on est passé directement de l’hivers à l’été, le temps semble avoir repris son cours normal, on va pouvoir tous oublier… Et le climat, ce n’est pas aussi prenant que la crise… Cela nous touche moins directement et nous sommes devenus tellement insensibles.
Connaissez vous l‘histoire des cette famille de roumains : « ils travaillaient ensemble un petit lopin de terre. Il y avait leurs chevaux et des charrettes pour les aider, un marché, des voisins… Tous les lopins ont été rachetés, des français, des allemands, on ne sait pas très bien, des big farmers. Des grandes routes ont été tracées avec de gros camions. Certains voisins ont été employés par les nouveaux propriétaires, car ils avaient de gros bras pour de petits salaires. Les chevaux ont fini aux abattoirs. Et la famille de roumains ?
Ils sont partis, comme beaucoup. Ils ont retrouvé une autre famille, eux de musiciens, ceux qui animaient les fêtes et les mariages, c’était avant. Ils sont tous sur l’espace public du pays de la liberté, égalité et fraternité et même dans la capitale… Classe.
– Ils n’ont qu’à travailler…
– Oui, mais ils ont seulement le droit d’être ici, mais pas de travailler…
– C’est leur problème, ils n’ont qu’à rentrer chez eux…
– Il n’y a plus de chez eux…
– Qu’ils crèvent, marmonne l’obèse tout en s’empiffrant son cheeseburger suspect.
– Figurez –vous que cet obèse est mort. Ce n’est pas moi qui l’ai tué, ni même un roumain. Il a été intoxiqué et compte tenu des problèmes de santé qu’il avait déjà, couic »…
Je file, je n’ai plus que quelques minutes pour arriver à l’heure à l’UNESCO et assister à la présentation des futurs jeux écologiques. J’ai compris que c’est pour les enfants et j’y rejoins mon épouse et mon fils. Mon fils est déçu, c’est une conférence pour les grands… On y assiste quand même. Dans le grand auditorium, il y a moins de 200 personnes et une dizaine d’enfants mais ce n’était pas pour les grands, c’était vraiment pour les enfants. Les intervenants sont brillants et la plupart reconnus mondialement. Leurs interventions vont toutes dans le même sens : il est urgent d’agir autrement avec la Terre si l’on veut que la prochaine génération puisse y vivre avec les bienfaits et la qualité que l’on connaît encore aujourd’hui. Les enseignements transmis sont simples et les enfants semblent avoir compris les principaux :
– l’empreinte négative des activités humaines est maintenant visible et même mesurable partout dans le monde.
– 20% % de la surface du globe sont des eaux territoriales, 50% de la surface du globe sont des eaux internationales. Les eaux territoriales sont déjà mal protégées et pour les eaux internationales, c’est la poubelle du monde sans aucune institution pour les protéger.
– La Terre est malade. Un corps malade ne se traduit-il pas par de l’instabilité, des pics et des chutes de température ? N’est-ce pas ce qui est en train de se passer pour la Terre ?
– Quand quelqu’un est malade, faut-il polémiquer autour de la question de savoir si on va vers une augmentation ou pas de sa température ? Non, il faut l’aider à se rétablir, le soigner pour qu’il retrouve sa stabilité et son harmonie…
Le soir, en rentrant de l’UNESCO, on se dit que c’est dommage qu’une telle initiative ne soit pas mieux relayée dans les écoles. C’est dommage que ces intervenants, tous des hommes et des femmes de terrains ayant des expériences concrètes et claires à transmettre, soient si peu repris dans les programmes scolaires. Ce n’est pas du blabla et les enfants le perçoivent immédiatement. Deux auteurs sont incontournables sur le sujet du climat de la Terre : Edouard Goldsmith[1] et James Lovelock[2]. Un précédent article a été publié : « Allo Gaïa ? » pour faire part des nombreux paramètres identifiés ou restant à découvrir qui agissent sur le climat. Avec ces paramètres, on peut comprendre comment la Terre stabilise son climat et inversement quelles pourraient être les facteurs déstabilisant.
Qu’est ce qu’on risque si la Terre fait une surchauffe ou prend un gros coup de froid ? Et c’est quoi d’abord pour elle une surchauffe ou un gros coup de froid ?
Depuis que la vie est apparue sur Terre, c’est-à-dire depuis 3,5 milliards d’années, sa température moyenne n’a jamais oscillé de plus de dix degrés (entre 12 et 22° C). Les périodes dites glaciaires sont celles où la température moyenne se situe entre 12 et 16° et les périodes chaudes celles entre 16 et 22°C. Les conséquences des périodes glaciaires sont le gel permanent de terres (comme en Sibérie) sur des surfaces recouvrant au plus la surface des pôles jusqu’à 45° de latitude de chaque hémisphère. De façon un peu caricaturale, avec la configuration actuelle des continents, on pourrait dire qu’à la prochaine glaciation, la banquise s’arrêterait à la latitude de Nantes ou de Bordeaux…
Depuis la naissance de la Terre, il y aurait eu cinq grandes ères glaciaires (la première de -3,5 milliards d’années à -800 millions, la seconde vers -450 millions d’années, la troisième de -350 à -250 millions d’années, la quatrième de -170 à -110 millions d’années et la cinquième de -40 millions d’années à aujourd’hui).
Nous sommes donc actuellement dans une ère glaciaire mais à l’intérieur de chaque ère, on passe par des périodes intermédiaires de réchauffement. Inversement dans les ères chaudes, on passe par des périodes intermédiaires de glaciation. Aujourd’hui, la température moyenne du globe est de 15°C. Il y a 18000 ans, nous étions à l’apogée de l’ère glaciaire et il y a 9000 ans dans un climat proche de l’actuel. Si on se situe à des échelles plus réduites, on constate des variations cycliques à l’échelle de 1000 ans, de100 ans, de 10 ans et bien sûr des variations annuelles.
Beaucoup de cycles dans les cycles !
Par exemple, pour les Alpes, en mesurant l’avancée ou le recul des glaciers et les traces qu’ils ont laissées sur une période de 2 millions d’années, on compte 25 épisodes glaciaires.
Si la terre du point de vue physique était passive avec un fonctionnement qu’on peut qualifier de linéaire, comme semble-t-il, c’est le cas pour Mars et Vénus, sa température moyenne ne serait pas comprise entre 12 et 22 °C mais serait proportionnelle à sa distance du Soleil, soit 240° C. Actuellement, Vénus qui est plus proche du Soleil que la terre a une température moyenne de 424 ° C et Mars qui est plus loin, une température moyenne de -56°C. A 240°C, il n’y aurait plus de vie sur terre, la composition de son atmosphère comme de ses océans et continents en serait fortement modifiée. Tout se passe comme si elle avait la possibilité de s’auto réguler en permanence avec la collaboration de sa propre atmosphère et de l’ensemble du vivant.
En cas de surchauffe comme de glaciation de la Terre, la vie, dans ses proportions actuelles, ne pourrait pas être maintenue, on assisterait à une réduction très significative des êtres vivants, hommes y compris. Certains avancent que ce sont les activités humaines la principale cause du réchauffement climatique mesuré depuis quelques décennies. D’autres considèrent que les activités humaines sont négligeables et que ce sont les phénomènes propres à la Terre et au Soleil, la cause essentielle de ce réchauffement. Peut-être toutes ces causes (humaines, terrestres et solaires) agissent de concert ou en opposition et dans des proportions variables mais non négligeables pour chacune. L’homme qui, plus ou moins consciemment, collaborait à cette régulation, est devenu depuis deux siècles toujours plus significatif dans son empreinte, couplé à une orientation très majoritairement destructrice pour la Terre et le vivant.
La Terre est robuste, cela fait plus de 200 ans que cela a commencé, mais comment ferait-elle pour se protéger ?
La montée ou la baisse significative de sa température et des eaux ?
Les irruptions volcaniques et les tremblements de terre et avec, la montée ou la baisse de terres ?
Un ralentissement de sa circonvolution ?
Une atmosphère instable et en cours de changement dans ses composés et proportions ?
Une désertification subite des mers et des terres ?
On peut s’interroger sur le fait que dans l’histoire de la Terre, ces évènements sont tous arrivés de nombreuses fois et qu’ils peuvent se reproduire par la cyclicité naturelle des choses. Inversement, l’humanité en coopérant avec la Terre et le vivant, ne retrouverait-elle pas la capacité de dialogue avec la Terre et la possibilité d’être informée, d’anticiper, voire coopérer avec elle concernant les évènements à venir ?
Dans les contes et les vieilles histoires de nombreux peuples, on retrouve cet avertissement concernant les hommes d’un pays, qui s’étant coupé de la nature et agissant contre elle, ont été submergés en un jour et une nuit.
[1] Edouard Goldsmith, Le Tao de l’écologie, Rocher, 93 puis 2002.
[2] James Lovelock, L’hypothèse Gaïa, Flammarion, 1993.