Quand la glace fond…

C’est parce qu’on a des repères, des photos, qu’on se rend compte de la fonte des glaciers dans nos montagnes et qu’on peut constater ce qui semble un réchauffement climatique. Dans la vie de notre bonne société française, la glace fond, elle aussi, mais en général assez lentement. Tellement, qu’on n’a pas l’impression de changement. En plus, dans ce domaine, on évite les photos. Il en va de la stabilité de notre monde, de notre économie, de nos intérêts… Mais il arrive que notre société a des poussées de chaleur. Et la glace, qui renvoyait au peuple des images convenues, fond plus que prévu. Il se produit alors des opportunités pour capter les choses de l’intérieur avant que la glace se reforme.

Il y a eu une bouffée de chaleur lors des précédentes élections socialistes. On a crié au scandale, haltes aux tricheurs, les dès sont pipés… Mais cette rage d’être élu ou d’avoir son poulain élu, c’était bien sur une rage identitaire, une bataille des idées, donc justifiées… Vraiment ?… Et le temps est passé… Puis dernièrement une grosse bouffée de chaleur chez les « concurrents » de l’UMP qui à leur tour s’accusent mutuellement de tricherie dans le dépouillement et traitement des votes pour les deux candidats proposés. A nouveau monsieur tout le monde subit le même spectacle de la mise à nu d’un parti politique. Cà ne vous saute pas aux yeux ?

Les uns comme les autres s’étripent d’abord pour conserver des avantages personnels. Les uns comme les autres trichent pour s’assurer que c’est leur carte qui va passer et ainsi préserver leurs acquis. Pour l’immense majorité des politiques, c’est « d’abord ma pomme ». On pourrait s’arrêter là dans le déballage. On pourrait aussi aller dans la rue, dénoncer ces faux représentants du peuple… Mais ce n’est pas nouveau. Et le peuple s’en fout tant qu’internet est à très haut débit et que le frigo est rempli. Mais d’autres vérités apparaissent aussi quand la glace fond et ces vérités ont tendance à laisser des traces indélébiles. Des traces aux conséquences beaucoup plus régressives que celles de l’égoïsme primaire de nos petits politiques. Des traces que quelques rares penseurs constatent et leur font écrire des livres comme « La Voie » d’Edgar Morin, ou « Le dérèglement du monde » d’Amin Maalouf.

Au parti socialiste, le socialisme réapparaît timidement face au dogme des partisans de la gauche dite moderne.  Le socialisme c’est l’espoir, l’avenir et l’innovation  déclare Strauss-Kahn le 20 février 2011 mais comme l’explique très bien Jean Claude Michéa[1] « ce que DSK définit ainsi, ce n’est nullement le socialisme… C’est seulement l’imaginaire de la gauche moderne ». Pour le moment l’unité apparente perdure car le parti a le pouvoir et que pour la plupart d’entre eux, se partager le gâteau est prioritaire. Mais cette unité empêche les forces socialisantes de s’exprimer, les forces qui contribuent à une meilleure cohésion des hommes entre eux et des hommes avec la nature. Des forces nécessitant de faire des liens entre le passé, le présent et le futur et de ne plus croire aux seules vertus du « progrès ». De mon point de vu, que ces forces soient bloquées est une tragédie pour les temps à venir.

A l’UMP, la quête de Coppé pour prendre le pouvoir et ratisser à droite s’est faite au détriment des valeurs humanistes et universelles. Là aussi ce n’est pas nouveau mais il a franchi un cap en rendant normal des comportements, des pensées et des actes qu’on aurait qualifié de réactionnaires et extrémistes il y a encore 10 ans, même à l’intérieur de ce parti. De la même manière que les imans intégristes profitent du manque de repères et du désoeuvrement pour enrôler de nouveaux croyants et bientôt fanatiques, Coppé et les siens contribuent à l’expansion de croyances tout aussi fanatiques et barbares. D’un côté, un appareil (le PS), bloqué par le conservatisme et le fait de coller au dogme du progrès. De l’autre (l’UMP), un appareil qui se disloque et va laisser germer des graines d’intolérance à grande échelle. Et ainsi, inexorablement, le processus de décomposition est à l’œuvre. Certains prédisent que c’est pour qu’émerge un monde meilleur, des sociétés plus justes. Moi, je constate plutôt qu’on va vers toujours plus de balkanisation, d’étroitesse d’esprit, de repli sur soi et sur ses appartenances, de rejet de ce qui est différent… Mon propos ici n’est pas de partir en croisade contre la gauche caviar et la droite dite décomplexée, mais plutôt d’attirer l’attention sur des évènements qui par leur portée concrète et symbolique marquent une étape importante dans le déclin de notre société.

 

 

 

[1] Jean Claude Michéa, Le complexe d’Orphée, éd. Flammarion, 2011.

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