Florange, Notre Dame des Landes, le mariage gay, l’euthanasie, le calendrier scolaire, les impôts… Quel point commun ?
Le point commun quand on lit des articles ou l’on écoute des interviews sur ces sujets de Florange, Notre Dame des landes, le mariage gay, l’euthanasie, le calendrier scolaire, les impôts, et j’en passe… C’est la cacophonie, le manichéisme, des oppositions stériles et violentes, la bêtise … Rares sont les sujets en rapport avec le politique et la société qui ne tombent pas dans ces caniveaux… et ce n’est pas nouveau…
Ce qui me désole, c’est que ce mode de non-communication basé sur l’opposition et les rapports de forces domine autant l’échiquier mondial que les échanges de personne à personne quand le sujet concerné semble les opposer.
Vous, lui, moi, nous avons tous eu des échanges musclés sur des sujets ou nos points de vue divergent. Nous avons tous constaté que s’effacer pour faire bonne figure, ou pour rester dans une communication non-violente, c’était au fond retourner cette violence sur soi-même. Nous avons aussi constaté que laisser l’autre exposer son point de vue et vice-versa, n’était pas un gage de consensus. Nous avons aussi constaté que les décisions prises démocratiquement à la majorité peuvent souvent ne pas nous convenir et le temps nous donner raison…
« Ah ce p….n de facteur humain ! », expression fréquente qui sous son masque de dérision cache des tragédies à toutes les échelles. Edgar Morin nous dit « nous en sommes encore à « l’âge de fer de l’humanité ». Heureusement, des solutions sont à l’oeuvre comme la CNV (communication non violente), la sociocratie, la gouvernance écologique et intégrale. Mais ces solutions sont-elles suffisantes ?
Connaissez vous la dialogique ?
La dialogique est un mot inventé par Edgar Morin (encore lui). Il s’agit d’un mode de communication où l’on considère que les points de vue divergents voir opposés sont à « confronter positivement » pour faire émerger de nouvelles propositions, véritables opportunités pour qu’incarne en chacun une conscience supérieure. Avec cette méthode, les contradictions ne s’annulent pas, mais, en se mesurant, peuvent s’enrichir et où les contraires sont indissociables. Les échanges ne visent pas nécessairement à une synthèse unifiante, mais plutôt à dévoiler les impasses et les solutions d’un temps, tout en ayant conscience que les « vérités » et les « erreurs » évoluent avec le temps. La dialogique serait à promouvoir et à enseigner pour développer de nouveaux comportements sociaux, où pour un problème donné, chaque point de vue serait bienvenue, y compris et surtout, ceux qui s’opposent.
Imaginez un metallo de Florange et un actionnaire d’Arcelor Mittal se dirent « chouette, nous allons nous rencontrer pour mettre à plat nos points de vus, les comprendre mutuellement et alors décider de la marche à suivre par une solution que ni l’un ni l’autre n’avions imaginé séparément».
Ce petit plus de la dialogique, c’est le fait d’imaginer que ce qui est « l’étranger », ce qui est en dehors de ma sphère, mis en culture avec mon monde et mes idées, va faire émerger quelque chose que seul je n’ai pas accès et qui est justement la solution valable pour moi comme pour « l’étranger ». Lui (l’étranger) comme moi (l’étranger pour lui) en faisant ainsi, nous élargissons mutuellement notre champ de conscience, nous découvrons une autre plan où nous pouvons constater des affinités et des liens de parentés. Quel saut !
Un autre petit plus de la dialogique est que pour la pratiquer, lui comme moi, nous devons dépasser nos intérêts immédiats et personnels. Avec Copernic, il y a eu un grand bon de conscience envers le monde qui nous entoure. L‘intégration de la dialogique dans nos consciences serait le bon équivalent à l’intérieur de chacun. Imaginez nos politiques pratiquant la dialogique. Ils iraient se fritter sur les plateaux de TV en se disant « grâce à Machin, je vais découvrir quelque chose que je n’avais pas pensé, ni lui non plus. Nous allons ainsi progresser tous les deux et en faire profiter tous les autres ! »
Vous souriez en lisant ces lignes, vous imaginez mal un politique se remettre en cause, tout comme un metallo de Florange mettre en balance les choix sidérurgiques du point de vue de l’empreinte écologique avec ses intérêts personnels, ni un actionnaire d’Arcelor Mittal céder ses dividendes par solidarité envers le metallo.
En utilisant la méthode de la dialogique, j’ai posé à des personnes deux questions :
Y a-t-il un sens de l’histoire ?
S’il y a un sens de l’histoire, que nous propose-t-il aujourd’hui ?
Pourquoi ces deux questions ?
Car moi aussi je souris sur nos possibilités actuelles d’harmoniser les priorités de chacun et je cherche ce qui pourrait faire office de dénominateur commun autre qu’un écroulement de notre « société du progrès ». Tout le monde n’était pas d’accord sur la réponse à apporter à la première question, donc c’était un bon tremplin pour la dialogique…
En synthèse, il y a eu ces réponses aux deux questions :
Pour la première : les enjeux de l’histoire se sont éclaircis, mais dans l’ensemble, l’humanité continue à s’emballer vers d’autres directions. Le sens de l’histoire serait d’aller vers ces enjeux devenus évidents.
Pour la seconde : il y a l’enjeu d’une orientation de vie plus verte mais pas seulement. Il y a en plus la nécessité d’une orientation de vie humaniste doublée d’une conscience que la Terre est passée à l’échelle de village dont nous sommes tous coresponsables.
Si vous reprenez alors tous les sujets de Florange, Notre Dame des landes, le mariage gay, l’euthanasie, le calendrier scolaire, les impôts, en tenant compte des enjeux de l’histoire, les réponses deviennent plus complexes. En tissant ensemble les différents contextes, on voit bien que certains sont plus à l’ombre que d’autres, on voit mieux comment les croyances et cultures les colorient plus ou moins. Le juge doit céder la place au sage qui sommeille en chacun, et pour cela la méthode nous demande de lâcher prise et faire preuve d’authenticité.